Inondations
2012





Vues de l'installation

Exposition présentée dans le cadre du projet Sightings de la Galerie Leonard & Bina Ellen.
5 avril au 18 mai, niveau métro du pavillon EV de l’Université Concordia (1515 Sainte-Catherine Ouest, Montréal)

Un projet d’Anne-Marie Proulx, avec des œuvres de Raymonde April

Anne-Marie Proulx s’intéresse aux effets de l’accumulation et du regroupement de photographies dans la pratique artistique de Raymonde April. Dans le cadre de Sightings I : Inondations, elle examine l’impact de leur contexte de présentation sur leur réception, la capacité des photographies à interpeller d’autres images, ainsi que les relations qui sont susceptibles de se développer entre les photographies elles-mêmes.

Ce projet propose trois regards sur l’œuvre Tout embrasser de Raymonde April : deux photographies extraites de l’ensemble de 517 composantes, la publication éponyme qui contient une reproduction des deux photographies exposées et qui révèle plus clairement leur relation avec les autres composantes de l’œuvre, ainsi qu’une interprétation plus personnelle et narrative des images de l’artiste.

Pour de plus amples informations sur le projet, visitez le site web de la Galerie.
Pour de plus amples renseignements sur Tout embrasser, visitez le site web de Raymonde April.


Inondations

Deux grandes photographies s’imposent : une femme balaie son trottoir, des blocs de ciment jonchent un terrain vague. Ce sont des images tirées de Tout embrasser, une œuvre de Raymonde April qui résulte du projet d’une rétrospective de près de trente ans de carrière à travers une recherche de l’artiste dans ses propres archives photographiques. April avait sélectionné 517 images jusque là jamais présentées qui ont formé la base d’un film où les photographies défilent au rythme d’une main qui les emporte une à une. En 2001, ce projet avait fait l’objet d’une exposition à la Galerie Leonard & Bina Ellen, où ces mêmes photographies avaient été étalées au mur et le film adapté en installation vidéo. L’exposition était complétée par des agrandissements de quelques ensembles d’images et accompagnée d’une publication. Apparaissant souvent sous différentes formes et en accumulation, les images d’April sont appelées à être survolées pour comprendre des relations et significations potentielles. Les photographies se refusent à l’autoréférentialité : elles se mélangent, se confondent, et racontent des histoires qui paraissent parfois être les nôtres. Empreintes d’une banalité fabuleuse qui peut nous être familière, elles entrent dans nos propres imaginaires. C’est ainsi que nos images et souvenirs peuvent arriver à se faufiler entre les photographies. Devant des agrandissements, il devient cependant plus difficile de laisser voguer notre imagination. Ici isolées des 515 autres, les deux grandes photographies élèvent leur présence. Dans toute cette prestance, elles inondent le regard, mais elles demeurent deux images dans un monde d’images.



Raymonde April, Tout embrasser (extrait 278/517), 1974/2001, épreuve argentique marouflée sur aluminium
Collection de la Galerie Leonard & Bina Ellen, Université Concordia
Achat - Fonds de dotation Leonard & Bina Ellen pour l’achat d’œuvres d’art, 2003
Photo : Richard-Max Tremblay


La première fois que mon regard a effleuré cette image, j’ai vu de gros morceaux de glace échoués au bord de la rivière Chaudière. Pendant l’hiver, une épaisse couche de glace se forme au-dessus des flots qui continuent de courir vers le Saint-Laurent. Elle se fissure lors de la fonte au printemps, libérant ses éclats sur la surface de l’eau. Sur leur route sinueuse, les glaces vont s’accumuler dans un tournant aigu, où se forme un embâcle qui chaque année menace les habitations riveraines. Les glaces se sont échappées une fois pour aller se poser sur le terrain tout autour du chalet de ma famille. Au moment du nettoyage, mon père les avait photographiées. Ce sont ces images que j’ai imaginées en voyant les blocs de ciment photographiés par Raymonde April.


Photographies de mon père, Pierre Proulx, prises après l’inondation du chalet familial de Saint-Lambert de Lauzon, au printemps 1986.

Je tiens à remercier Raymonde April, Johanne Sloan, le Fonds de recherche sur la société et la culture (FQRSC), le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), Hydro-Québec, ainsi que la Faculté des beaux-arts et l’École des études supérieures de l’Université Concordia.